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La traduction, qu'est-ce que c'est ? / II

La semaine dernière, je vous ai parlé d’expressions figées, de polysémie et d’homonymie.

 

Un mot peut avoir plusieurs sens et les regroupements de sens différents sous un même mot ne se font pas de la même manière d’une langue à l’autre. En français, le mot "cadre" désigne au moins deux objets (le cadre d’un tableau et le cadre d’un vélo), un grade, une partie d’un formulaire… Le même mot sera traduit, respectivement, en italien par cornice, telaio, dirigente, riquadro. 

 

Polysémie et homonymie ne constituent que l’un des pièges dans lequel un traducteur averti ne tombera pas. Je citerai rapidement les faux amis (autista en italien veut dire "chauffeur", costume, c’est le "maillot de bain") et les realia, ces mots qui désignent des objets et des concepts qui n’existent pas ailleurs que dans le pays où la langue est parlée et qui s’avèrent par conséquent intraduisibles (si les "crêpes" et les "pizzas" sont d’anciens realia, aujourd'hui bien connus partout, la "tartiflette" est en revanche un plat méconnu dans le reste du monde et peut donc poser problème). En général, tout ce qui relève du cadre culturel est susceptible de donner du fil à retordre au traducteur. 

 

Le contenu culturel d’un texte demande souvent une adaptation (ou localisation). Les exemples sont nombreux, et le domaine de la gastronomie en regorge. Imaginons un article où l’auteur dirait « et ce soir, c’est coquillettes au beurre ! » : cette délicatesse française n’évoque absolument pas les mêmes images culturelles en Italie ! Si en France ce plat nous parle de maison et de famille, en Italie, il fait immédiatement penser à la dernière gastro, les pâtes au beurre étant à peu près la seule chose qu’on peut manger quand on est malade.

 

Revenons maintenant à la définition du Petit Robert : « Faire que ce qui était énoncé dans une langue naturelle le soit dans une autre, en tendant à l’équivalence sémantique et expressive des deux énoncés ». On a vu rapidement quelques aspects de l’équivalence sémantique, mais qu’en est-il de l’adjectif "expressive" ? 

 

La dimension expressive d’un texte touche à son niveau de langue (soutenu, familier, etc.), à sa capacité à véhiculer des émotions, à son style, ses figures de rhétorique... Autant d’éléments qu’il est extrêmement difficile de transposer dans une autre langue. Tout d’abord, il faut connaître parfaitement la langue de départ et la culture du pays et, ensuite, il faut faire des choix équivalents dans la langue d’arrivée.

 

Un exemple classique est le vouvoiement français, très répandu, alors qu’en Italie on tutoie beaucoup plus et bien plus rapidement. Il ne suffit donc pas de repérer la présence d’un vouvoiement dans un texte français, il faudra de surcroît analyser le contexte extralinguistique (les lecteurs potentiels, leur statut social, etc.) pour choisir, en italien, entre Lei et tu. 

 

Les émotions, souvent véhiculées par des superlatifs en italien (tout est -issimo !), seront inévitablement mitigées dans la version française. Alors que d’un point de vue stylistique, une syntaxe très élaborée en italien, avec des phrases courant sur dix lignes, devra correspondre à un choix équivalent mais non identique en français, avec des phrases plus courtes mais un choix lexical plus recherché, probablement une nominalisation et un foisonnement de connecteurs logiques.

 

En somme, la tâche du traducteur n’est pas si simple… Et cela sans compter le langage technique et spécialisé de certains domaines ! On sera peut-être moins étonné de savoir que traduire une page peut prendre plusieurs heures. Et qu’un bon dictionnaire n’est pas le seul outil nécessaire. Mais de cela, je vous parlerai très prochainement.

 

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