Depuis que je suis traductrice à temps plein, il m’arrive souvent d’expliquer à des amis ou à des inconnus en quoi consiste mon métier. Je suis sûre que mes collègues savent très bien de quoi je parle, surtout que, bien des fois, cette explication se transforme malheureusement en apologie.
En effet, peu de personnes savent ce que ça veut dire traduire. Si on n’a jamais traduit un texte (je ne parle pas des quatre lignes "traduites" avec Google Traduction pour écrire un mail en anglais), on a du mal à s’imaginer ce que ça signifie. Et c’est normal. Certains métiers sont plus transparents que d’autres, et puis, selon notre propre expérience, nous en avons des représentations plus ou moins précises : je sais assez bien ce que fait un ingénieur en BTP, mais je serais bien moins à l’aise si je devais rédiger la liste des tâches d’un Account Manager.
Or, la traduction souffre de ce "flou de connaissance" et, par conséquent, son importance est sous-estimée. Comme on ne sait pas trop ce que fait un traducteur, on a tendance à croire qu’il ne fait rien que nous ne serions pas capables de faire nous-mêmes si nous connaissions quelques mots d’anglais (ou d'italien, d'espagnol, etc.) en plus…
Deux conséquences dangereuses s’ensuivent :
- on se demande si on a vraiment besoin de faire traduire notre texte (au fond, le français est une langue très répandue, tout le monde connaît quelques mots de la langue des Lumières, et puis l’italien ça ressemble vachement, non? Et au pire, nos clients pourront traduire le document automatiquement et hop !) ;
- et si on décide de le faire traduire, on fait appel à la cousine de notre oncle qui fait son Erasmus à Rome.
C’est un fait qui est devenu presque une blague sur les réseaux des traducteurs : si on a une rage de dents, on va chez un dentiste et on lui paie ce qu’il demande, mais si on doit faire traduire un texte, on se dit que ce n’est pas grave, que n’importe qui peut faire l’affaire, et qu’on pourra le remercier en lui offrant une carte cadeau Fnac (dans le meilleur des cas).
Blagues à part, c’est quoi réellement la traduction ? Soyons scolaires, peu importe notre âge, citons le Nouveau Petit Robert : « Faire que ce qui était énoncé dans une langue naturelle le soit dans une autre, en tendant à l’équivalence sémantique et expressive des deux énoncés ». Regardons cette définition dans le détail.
Équivalent ne veut pas dire identique. Traduire ne veut pas dire repérer le terme correspondant dans la langue cible (celle vers laquelle vous traduisez). Cela pourra vous paraître étrange, mais souvent – si ce n’est pas presque toujours – il n’y a pas de correspondance 1:1 entre les termes de deux langues différentes, toutes proches qu’elles puissent paraître. Bien sûr un chat c’est un gatto et Paris c’est...Parigi. Mais le Grand Paris ? Et si vous donniez votre langue au chat?
Sans forcément vouloir traiter les expressions qui, évidemment, posent problème (il faut trouver l’expression équivalente dans la langue cible… si elle existe… N.d.R. : En Italie, on n’aime pas nourrir nos chats avec nos muscles !), on peut tout simplement réfléchir sur les cas de polysémie ou d’homonymie.
Vous avez déjà remarqué qu’un mot peut avoir plusieurs sens, n’est-ce pas ? Si vous regardez dans le Petit Robert, vous verrez que pour presque chaque mot, les définitions contiennent des I., II. et 1., 2., 3. qui illustrent justement les différents sens ou types d’emploi d’un mot. Si je vous dis "souris", vous pensez à quoi ? Oui mais, me direz-vous, en italien c’est pareil, non ? Non. Là, pour vous écrire, je ne suis pas en train d’utiliser un topo, ce petit animal qui se balade dans le métro parisien, mais bien un mouse.
Et maintenant imaginez les dégâts d’une mauvaise traduction, en sachant que ces exemples sont loin d’être des exceptions. Donc, tout d’abord, pour bien traduire, il faut maîtriser parfaitement tous les sens des mots des deux langues et, à défaut, savoir tirer profit d’un bon dictionnaire.
Je remercie pour ses très beaux dessins Joe Marziani pokoto87@gmail.com
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