Je suis récemment tombée sur ce graphique sur le site lalanguefrançaise.com
C’est d’autant plus troublant que le mot chronophage n’est pas à proprement parler un néologisme (les premières attestations datent du début du XXe siècle). Faut-il croire qu’il y a 50 ans les activités humaines étaient moins chronophages ? Et pourtant, c’est aujourd’hui qu’on peut voyager en TGV et envoyer un message en temps réel…
J’imagine que sociologues et philosophes se penchent sur la question depuis bien longtemps.
À une époque où le temps est désormais un « actif économique » (Socialter), où la rapidité est à privilégier dans tout domaine (vraiment ?), le mot chronophage semble avoir acquis un sens encore plus vicieux que ses collègues de suffixe : coprophage, anthropophage, etc. Est-il synonyme de trop prenant ? trop long ? trop lent ? pénible ? inenvisageable ? Tout ce qui nous 'mange' notre temps n’est pas bien, il faut l’éviter, il faut absolument garder notre temps, précieux, au frais.
Si je comprends tout à fait ce discours appliqué, par exemple, à l’addiction aux écrans et aux réseaux sociaux, peut-être les plus grands chronovores de notre époque, cela me laisse bien plus perplexe quand il concerne les activités de la vie « réelle », comme la lecture, le travail, une conversation, une sortie, etc. C’est un point de vue, bien sûr, et je suis bien consciente que la frontière entre virtuel (les réseaux sociaux) et réel (celle que j’appelle la « vraie vie ») est de plus en plus floue. D’ailleurs, la lecture ou le cinéma ne relèvent-ils pas aussi d’un monde virtuel ?
Et pourtant, ce qui m’interpelle, dans cette démonisation de l’adjectif chronophage, c’est le jugement qu’il implique. « C’est très chronophage ! » : comme si c’était une honte, en fait, de se livrer à des activités qui nous prennent trop de temps. Comme si, en voulant maîtriser le temps, on finissait par être moins capable de le vivre, notre temps, d’y rester, pendant un moment.
Et d’ailleurs, que fait-on de tout ce temps qu’on ne nous bouffe pas ? Il ne faudrait surtout pas que ça périme…
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